Te amo

, par  Ines Calmette, Marc Armengaud, Victor Sautel , popularité : 11%

Journal de Julien Durand, lundi 12 novembre 2012.

Aujourd’hui la même conversation que d’habitude :

« Voilà trois mois que tu es morte ma Lily. Je me penche sur ta tombe et j’imagine ton corps, ton visage et je vois tes beaux yeux verts, je ne peux les imaginer fermés, je ne veux pas. J’ai l’impression que cet abominable cancer m’a tué avec toi et...

 Excusez-moi Monsieur, mais il se fait tard et je vais bientôt fermer le cimetière.

 Déjà ! Mais quelle heure est-il ?

 Vingt-deux heures.

 Ah...Je vais y aller alors... »

Tous les soirs c’est pareil. Le gardien du cimetière vient me voir pour me dire qu’il faut partir.

Enfin, est-ce ma faute si je veux veiller sur Lily ?

Quelle abominable habitude !

J’aurais préféré mourir à sa place !!!

Journal de Julien Durand, mardi 13 novembre 2012.

Aujourd’hui, comme d’habitude je me suis réveillé, seul.

Je me suis demandé si j’allais déjeuner, puis non.

Je me suis demandé si j’allais regarder la télé, puis non.

J’ai la flemme de tout. Tout ce que je fais, je le fais par nécessité, pas par envie.

Et puis bien obligé, je suis parti rejoindre mon poste au commissariat.

Quand je suis arrivé, j’ai ressenti exactement la même chose que d’habitude :
Toujours la même odeur de café au lait, le bruit insupportable de la photocopieuse.
Et tous ces gens, ces hypocrites, qui me regardent d’un air accablé alors que tout ce qu’ils veulent savoir c’est si j’ai les yeux rouges. Ah oui ! Ça ça les intéresse de voir si j’ai pleuré, de voir si j’ai des cernes parce que j’ai pas dormi.

Sur mon bureau j’ai trouvé un mot de la commissaire ; il disait :
Lieutenant, votre travail du mois a été inefficace. Malgré la tristesse de votre situation, je vous prie de vous remettre au travail immédiatement.

Commissaire Doral.

Mon collège et meilleur ami Pascal Fernandez, un espagnol au tempérament fort, avait sûrement lu le mot avant moi puisqu’il me fit remarquer :
« Eh ouais mon pote, il faut que tu te remettes au boulot, sinon tu vas te faire muter... »

Sans répondre je jetai violemment le mot à la poubelle ; rien que l’idée d’être séparé de ma Lily me rendait fou.

C’est vrai qu’en ce moment la paperasse s’empile un peu sur mon bureau, alors aujourd’hui j’ai beaucoup avancé, j’ai trié pas mal de contraventions.

Il va falloir que je refasse mes preuves parce que là on ne me fait plus confiance, plus du tout.

Après ma journée de travail, je me suis rendu au cimetière.

Je suis passé devant le gardien, à qui j’ai dit bonjour et qui ne m’a pas répondu, toujours aussi sympathique...

J’avais acheté des fleurs, des lys, les préférés de Lily.

Mais voilà que là, à l’emplacement de sa tombe, je ne trouvai rien, rien, aucune trace de déterrement pourtant.

Était-ce moi qui devenais fou ? Je parcourus le cimetière en courant, je crois que je n’ai jamais couru aussi vite. Je finis par la retrouver mais pas du tout au même endroit que d’habitude. Enfin je crois… je ne sais plus… j’ai l’impression d’avoir tout oublié...

Journal de Julien Durand, 14 novembre :

Cette nuit après cinq heures de veille, je finis par trouver le sommeil, agité, cauchemardesque, troublé par la présence de Lily juste à côté de moi. Je fus réveillé par une brise légère qui me caressait l’épaule, le même parfum que Lily, comme si, à l’intérieur de sa tombe, elle pouvait respirer. Mais non, quelle absurdité ! Je devenais fou, complétement fou.

Après avoir chassé toutes ces idées noires de mon cerveau, je décidai d’aller voir Pascal, mon ami et collègue qui, j’en suis sûr m’aiderait à me prouver que je ne suis pas fou.

Je me rendis donc au commissariat :

 "Salut Pascal, je...

 T’es en retard ! Tu veux vraiment te faire muter, c’est ça ?

 Mais non, j’étais au cimetière cette nuit et la tombe de Lily a bougé, enfin… je crois. Mais il faut que tu viennes voir, viens, on y va !

 Tu crois vraiment que je vais me déplacer pour tes hallucinations ?! Je sais que la mort de Lily est difficile à accepter pour toi ; mais enfin ce n’est pas une raison pour gâcher ta vie !

 Écoute, je ne te demande pas grand chose, juste de venir avec moi et après et seulement après, tu pourras me juger.

 Je te garantis que si ça s’avère faux, je ne pourrai plus t’aider et te défendre auprès de Doral."

C’est ainsi que nous partîmes au cimetière. J’étais bien décidé à prouver à Pascal que passées les portes de ce lieu, le surnaturel devenait possible.
Je lui demandai donc :

 "Tu te souviens où était la tombe de Lily ?

 Oui, près du caveau des Mandrier.
 Eh bien tu vas être surpris.

Je le saisis par le bras et le traînai jusqu’à l’endroit où elle avait été enterrée.

 Regarde, tu vois je...

Et là à ma grande surprise :

 Eh bien quoi, elle est là, à sa place !

Voyant que je restais bouche bée :

 Peut-être qu’il faudrait que tu vois un psychologue, Julien.

 Mais non, mais hier, elle était là-bas ! Je veux dire... elle avait bougé. Il faut que tu me croies, je t’en supplie !!!

 Bon écoute, aujourd’hui je vais dire à la commissaire que tu es malade. Julien il faudrait que tu réfléchisses pour des congés éventuels...

Il partit.

Je fondis en sanglots. Ma folie se confirmait ; j’étais anéanti, exténué ; comme mort de l’intérieur, je n’avais qu’une envie : c’était celle de rejoindre Lily.

Mais je devais me reprendre, je devais le faire pour elle.

Je décidai de rentrer chez moi, j’avançai vers la voiture d’un pas ferme ; je lançai un dernier regard vers Lily. Je vis soudain qu’elle avait disparu !

L’horreur envahit mon corps tout entier, j’étais décidément fou, fou confirmé.

Je n’acceptai pas la scène que je voyais pourtant de mes propres yeux. Tout ce que je ressentais était inimaginable : La peur, l’angoisse, l’amour et la colère brûlaient en moi. Et ce deuil qui me rongeait et qui n’en finissait jamais !

Je rentrai chez moi, rempli d’effroi.

Journal de Julien Durand, 21 Novembre :

Voilà, depuis une semaine j’essaie de soigner ma folie, car de jour en jour elle empire. Je vois la tombe de Lily se déplacer quotidiennement.

J’ai contacté un psychologue qui m’a mis en arrêt pour dépression pour deux mois. Je ne sais si c’est la bonne solution pour moi de rester cloîtré à la maison, et de sortir le soir pour errer dans le cimetière en essayant de chercher la tombe de Lily.

Journal de Julien Durand, 25 décembre :

Hier, j’ai découvert quelque chose d’incroyable. J’étais en train de me lamenter pour savoir ce que j’allais faire le vingt-quatre au soir :

Le passer avec Pascal ? Non il le passe en Andalousie.

Allez au restaurant, seul ? Non cela aggraverait ma nostalgie.

Je décidai de le passer avec ma Lily, peu m’importait la fermeture du cimetière, je resterais avec elle toute la nuit.

Chaque jour depuis le treize novembre, sur la carte que m’avait donnée le gardien antipathique, j’entourais les endroits où je voyais Lily se déplacer.

Ce jour-là, par ennui, je reliais les vingt et un emplacements.

Et là, j’ouvris grand la bouche, stupéfait par ce que je venais de découvrir :
Les vingt et un points reliés formaient les mots suivants :

TE AMO.

Était-ce moi qui devais partir en hôpital psychiatrique ou Lily qui voulait m’adresser un dernier message ??

Ines Calmette, Marc Armengaud, Victor Sautel

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