A Visa pour l'image, les clichés saisissants d'un monde qui va mal

De la crise des Rohingyas en Birmanie à la guerre oubliée du Yémen, le festival international du photojournalisme de Perpignan Visa pour l'image présente, du 1er au 16 septembre, les clichés les plus saisissants d'un monde qui va mal, à l'instar de la profession des photoreporters, de plus en plus précarisée.

"On vous montre le monde tel qu'il est, avec ses drames, ses joies et ses problèmes. Et nos informations sont vérifiées, ce qui n'est pas toujours le cas sur les réseaux sociaux", insiste auprès de l'AFP l'emblématique directeur de la manifestation Jean-François Leroy.

Plus de 1.500 photos, 25 expositions, des conférences et rencontres avec des photoreporters venus du monde entier. En plus, "on a réussi à maintenir la gratuité pendant 30 ans, ce n'était pas évident", souligne-t-il. Et le public est au rendez-vous: en moyenne quelque 200.000 visiteurs.

Si l'année dernière, tous les nominés au Visa d'Or Paris Match News, le plus prestigieux de ce rendez-vous incontournable du photojournalisme, avaient documenté la stratégique bataille de Mossoul en Irak, la sélection 2018 est nettement plus éclectique.

Pour cette 30ème édition, les nominés sont la Française Véronique de Viguerie (The Verbatim Agency pour Time et Paris Match) avec "Yémen: la guerre qu’on nous cache", Khalil Hamra (Associated Press), né de parents palestiniens, avec "Pourquoi Gaza ?", l'Italien Emanuele Satolli (Time), déjà nominé dans cette catégorie en 2017, avec "Gaza Border Killings", et Daniele Volpe, né en Italie, avec "Guatemala, le volcan de feu".

La crise des migrants tient toujours le haut de l'affiche avec l'Américaine Paula Bronstein, qui témoigne depuis 2012 des discriminations et persécutions dont est victime la minorité musulmane des Rohingyas. Et aussi sur le même thème, la belle exposition du Canadien Kevin Frayer.

Ne pas manquer également les images stupéfiantes du Belge Gaël Turine sur le désastre écologique qui frappe les cours d'eau traversant Dhaka, capitale du Bangladesh et ses 18 millions d'habitants. Chaque jour, quelque 10.000 mètres cubes de déchets toxiques, essentiellement d'origine industrielle, y sont directement évacués.

-"planète souillée"-

Ou encore celles du Français Samuel Bollendorff qui a fait un tour du monde de zones contaminées par l’Homme et ses industries chimiques, minières ou nucléaires, "laissant des pans entiers de notre planète souillés en héritage pour les générations à venir".

Autre sujet peu traité dans les médias et présenté à Perpignan, l'absence de latrines et la défécation en plein air. L'Américaine Andrea Bruce, a quitté les terrains de guerre en Irak et en Afghanistan pour se rendre en Haïti, au Vietnam et en Inde afin de documenter ce fléau sanitaire.

Aujourd’hui, près de 950 millions de personnes défèquent encore en plein air, dont 569 millions en Inde où l'eau insalubre et l’absence d’assainissement provoquent maladies et épidémies.

Le festival rend hommage par ailleurs au travail des photojournalistes de l’AFP sur le continent africain avec l’exposition de John Wessels en République Démocratique du Congo, celle de Luis Tato sur les élections au Kenya ainsi que la projection de Mohamed Abdiwahab sur la Somalie. Sans oublier l’hommage rendu à Shah Marai, chef de la Photo à Kaboul, tué dans un attentat en avril.

Difficile enfin de ne pas évoquer la précarité croissante des photojournalistes, dans un contexte plus général de crise des médias.

De nombreux photographes ont lancé cet été un cri d'alarme dans une tribune publiée par Libération et signée par des indépendants ou membres d'agences et de collectifs (Raymond Depardon, Bernard Plossu, Françoise Huguier, l'agence Myop, le collectif Tendance Floue).

"La photographie ne s'est jamais aussi bien portée en France, les photographes jamais aussi mal", relevaient les signataires. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a présenté plusieurs propositions pour une meilleure rémunération des photographes.

Selon elle, "au 1er avril, cette année, on comptait près d’un demi-million d’euros de factures impayées, avec un délai de paiement allant jusqu’à 174 jours".